L'ALCOOL : UN INHIBITEUR DE SCRUPULES, PAS DE CONSCIENCE

Voilà déjà quelques semaines que ces habitants venus d’ailleurs ont débarquées sur nos terres. Ils ne sont pas si différents de nous, enfin si, ils possèdent tout un tas d’objets étranges – je dirais même que c’est une sorte de magie. Ici, nous avons nos guérisseurs, nos mages ou encore les oracles de vie mais personne ne sait faire naître de la lumière d’un boitier ou encore leurs armes bien trop sophistiquées pour nos arcs, nos épées et nos lames aiguisées. Malgré mon courage, ma nature d’aventurière… j’avoue avoir peur de ces nouveaux hommes. Que vont-ils bien faire de nous ? Sont-ils vraiment dangereux ? Pourtant depuis quelques jours, mes pas se dirigent vers cet endroit à la limite du camp des exodiens, près du champ de force. Un homme a ouvert un bar clandestin, ce n’est pas pour trouver de la compagnie que je m’y rends… mais bel et bien pour avaler ce savoureux mélange que vend le propriétaire des lieux ; il m’aide à oublier le temps d’un moment. Oui, depuis la découverte de ses effets sur ma petite personne, j’en suis devenue particulièrement dépendante. Cela n’a rien de comparable à notre hydromel que l’on consomme depuis des années au sein du clan Trikana. Cette boisson a des vertus bien plus puissantes… comment l’appelle-t-il déjà ? Du Whisky ? Il me semble que ce liquide ambré porte ce nom. Il vient de leur fameuse planète, je devrais peut-être me méfier… si cela se trouve, c’est en réalité un poison.

Je me faufile à travers les arbres de la forêt, prenant soin de ne pas être repéré par les veilleurs de nuit. Ma tignasse rousse n’est pas très discrète, mais je sais être silencieuse. Je retrouve mon cheval, noir comme la nuit, à la lisière de la forêt. Je le chevauche jusqu'à ce fameux bar. Il semblerait qu’il n’y ait pas grand monde ce soir, tant mieux, j’aurais moins de chance d’être reconnue. Mon capuchon sur la tête, je pénètre dans les lieux, le regard à l’affut du moindre membre de ma communauté, puis une fois sûre, j’abaisse le tissu. Je m’approche du comptoir, je m’installe à son extrémité la plus éloignée de la porte d’entrée afin de pouvoir observer la salle entière. Je relève les yeux sur le propriétaire et serveur qui commence à me connaitre. « Belle nuit pour s’évader tu ne trouves pas ? Quoique… il t’arrive de mettre le nez dehors ? » C’est vrai, depuis que je fréquente ce lieu, je l’ai rarement vu sortir de sa tanière. D’ailleurs vit-il le jour ? Ou alors passe-t-il ses nuits éveillées tandis que les autres dorment à poing fermé ?

L'ALCOOL : UN INHIBITEUR DE SCRUPULES, PAS DE CONSCIENCE

Un brouhaha, des rires, des verres qui claquent ou qui s’entrechoquent dans un tintement cristallin, des bruits de chaises, des bagarres et des jeux. C’était ce que Lohan avait tous les soirs dans ses bars. D’un côté, il accueillait tout le monde, ceux qui désiraient boire et oublier, d’autres qui voulaient étendre leurs richesses et jouer à des jeux illégaux. Deux bars, deux atmosphères différentes. L’un avait une ambiance bonne enfant et tout était légal tandis que l’autre avait de la drogue et des bagarres de rues. Lohan accueillait tout le monde les bras ouverts tant que le bénéfice s’accumulait pour lui. Tout n’était qu’une question d’intérêt pour lui, de toute façon. Il payait gracieusement le vice chancelier pour qu’il se taise. Marcus et lui avaient une histoire compliquée mais il connaissait Marcus, il se tairait tant qu’il pouvait tirer quelque chose là-dedans. Il était tout comme lui, quelque peu vénal et cupide. Lohan adorait les gens cupides, ils étaient malléables et il n’y avait pas vraiment de surprises avec eux. Cependant, il se méfiait de cet homme. Il était tout comme lui, fourbe et retors. Son allégeance irait au plus profitable. Lohan le surveillait de très près. De toute façon, il connaissait le dicton par cœur à force. Il fallait garder ses amis près de lui et ses ennemis encore plus près de lui. Paranoïaque ? Lui ? Un tout petit peu. En même temps, la vie lui avait montré que le monde était cruel et fourbe. Que la vie était injuste et qu’il fallait faire avec. Aux moindres coups tordus, il pouvait anticiper ce qu’il pourrait faire.

En cette soirée, il n’y avait pas grand monde mais un certain brouhaha se faisait dans la pièce. Exodia lui semblait toujours étrange. Comme un arrière goût amer, un mal de pays. Ce n’était pas son monde et ne le serait jamais. Trop de différences, des dinosaures, pas de buildings, pas internet ou des téléphones, rien. C’était apaisant et à la fois étrange et amer. La Terre ne lui avait jamais fait de cadeaux mais au moins, c’était là où il était né, là où sa fille devait reposer en paix. Il enviait d’ailleurs quelque peu Marcus avec sa fille même si au fond, il savait qu’il avait fait le bon choix. Vêtu d’un jean bleu délavé et d’un T-shirt noir, il servait les clients en attendant patiemment de pouvoir se saouler sans que quelqu’un daigne à le déranger. Dans ses pensées, il eut un minime sursaute en entendant la porte s’ouvrir soudainement. Levant ses yeux d’un bleu orage vers celle-ci, il aperçut une chevelure d’un roux éclatant. Il eut un petit sourire en reconnaissant cette personne. Demetil, une de ces natives qui vivaient dans la forêt avec les gros tueurs. C’était une jeune femme charmante néanmoins un peu masculine sur les bords. Elle s’approchait du comptoir, se mettant d’une manière à avoir un visuel sur tout ce qui se passait. Sans lui demander, il lui servit un Bourbon pour changer, un alcool ressemblant au Whisky mais en étant plus corsé. Peut-être qu’elle aimerait bien cela. Elle vint à lui poser une question et il haussa les sourcils intrigué par celle-ci.

-Un barman dort le jour et vit la nuit, ma belle Demetil, comme vos taverniers, répondit Lohan avec un petit sourire en coin.

Il l’appréciait, elle lui rappelait en quelque sorte des femmes qu’il avait connues et qui avaient eu un destin tragique. Des femmes qui se battaient pour leurs valeurs, pour elles et pour leurs familles.