Le visage emmitouflé dans une épaisse écharpe, Enfys arpentait les rues de Daenor, esquivant les passants. La ville grouillait, s’agitait, les conversations et spéculations allaient de bon train. La chute de l’oiseau de fer était au cœur de toutes les discussions depuis quelque temps. Quel était cet étrange signe des cieux ? Personne n’avait encore cette réponse pour sûr. Enfys partageait elle aussi toutes ces questions, mais n’avait pas réellement le temps d’aller chercher ces réponses.
L’apprentie guérisseuse avait passé les derniers jours au chevet d’une petite fille atteinte d’une forte fièvre. Impossible de dire de quel mal la petite souffrait, les symptômes étaient tous très contradictoires. La jeune rousse et sa mère avaient passé les derniers jours à tout tenter pour faire baisser la fièvre, mélangeant et concoctant différents remèdes. Heureusement, cela avait semblé fonctionner. Maintenant que la petite était dans un état stable, Enfys pouvait s’accorder un peu de repos.
Enfin, repos.. Elle n’avait aucunement l’intention d’aller dormir. Ses jambes lui faisaient mal à force d’avoir été agenouillée pendant autant de temps. Elle avait besoin d’un bon bol d’air frais, d’aller se changer les idées, fendre les cieux et goûter au plaisir du vol. Et il n’y avait qu’une seule personne qui pouvait l’accompagner dans cette expédition, Enfys se dirigeait justement vers sa maison.
Le soleil était haut dans le ciel, tapant fort, suffisamment pour être éblouissant, mais pas assez pour réchauffer l’air glacial des montagnes. Avec un temps pareil, la jeune fille ne doutait pas que ses voisins viendraient demain la consulter avec une jolie collection de coup de soleil.
Mais demain était un autre jour. Courant à moitié dans les rues et s’arrêtant pour saluer certaines connaissances, Enfys ne tarda pas à arriver à destination. Depuis toutes ces années, elle connaissait le chemin par coeur.
La première fois qu’elle avait rencontré l’éleveuse, elle n’avait que onze ans. Enfys avait regardé la gamine, soulagée de voir quelqu’un qui galérait autant qu’elle à dresser sa créature. Elles avaient appris cet art ensemble et de fil en aiguille ne s’était plus quittée. Le temps s’était écoulé depuis, et même si Enfys n’arrivait plus à voir Edaline autant qu’elle l’aurait voulu avec son apprentissage, l’éleveuse était toujours la première personne vers qui elle se tournait dans ses temps libres.
Toquant trois coups contre la porte d’entrée, la jeune fille attendit que son amie réponde. Les minutes passaient, et exaspérée, Enfys tambourina plus fortement contre le battant de bois. C’est vrai qu’elle ne savait même pas si Edaline était chez elle.. Peut- être était-elle déjà partie faire un tour dans les cieux ?
Comme pour lui répondre, un rugissement s’éleva non loin, ça semblait venir du jardin. Ni une ni deux, Enfys enjamba la clôture, tout en manquant de s’étaler de tout son long avant de se diriger vers la provenance du bruit. Elle y trouva la blonde, de dos, occupée avec une de ses bébêtes.
Enfys se fit toute petite, essayant de faire le moins de bruit possible. Elle n’avait pas le pas léger, mais Edaline ne sembla se rendre compte de rien.
« Coucou toi ! » lui cria t-elle tout en accrochant son bras autour du cou d’Edaline. « Alors, j’ai fini de travailler. On s’occupait d’une petite avec Maman, elle nous a fichu une de ces frousses, tu n’as pas idée. Enfin, bref ! Un petit tour aux falaises ça te dit ? » Lui demanda t-elle en trépignant. Elle haussa les épaules en fixant son amie avec un sourire arrogant. « De toute façon, tu n’as pas le choix ! La dernière arrivée doit payer son verre à la taverne ! »
Sans plus de cérémonie, Enfys siffla trois notes dans l’air, et peut de temps après accueilli sa créature en lui grattouillant l’encolure. La jeune fille enfourcha ensuite la bête et un battement d’aile plus tard, s’élançait vers les falaises à toute vitesse.

Edaline adorait son travail d’éleveuse, elle avait suivi la même voie que ses parents. Elle avait beau avoir l’âme d’une aventurière, s’occuper de l’élevage, c’est ce qu’elle adorait, elle devait y passer au moins une fois par jour. Rien que pour voir les bébés dinosaures, c’était trop mignon, dire que dans quelques années, ce sont des gens de son peuple qui voleront sur leurs dos. Ils avaient encore le temps, la jeune femme n’était pas seule, en effet Fly était avec elle, mais qui était ce fameux Fly ? Son nom devrait pourtant donner un indice, il s’agissait de son Ptéranodon, son ami depuis quelques années, celui à qui elle confierait sa vie sans hésiter, c’était plus qu’un simple dinosaure, c’était un ami proche, elle ne voudrait pas le perdre, il faisait partie de la famille. Elle se souvenait encore de la première fois qu’elle avait volé avec lui, ce jour-là, elle n’était pas rassurée, puis en quelques secondes, c’était passé. Enfin bref, un des petits avaient une aile blessée, c’est ce qui arrivait malheureusement de temps en temps, mais elle n’eut pas de mal à le soigner. Elle était habituée depuis le temps, au fil des années, elle avait observé ses parents faire, donc elle savait comment agir. Après avoir soigné cette aile, elle le posa dans une sorte de nid, pour qu’il puisse se reposer.

C’est alors que quelqu’un s’accrocha à son cou, sur le coup, elle sursauta, car elle n’avait pas entendu la personne arriver qui n’était autre que Enfys, son amie d’enfance, sa meilleure amie en fait. « Salut, j’ai fini de travailler, mais quand même, tu m’as fait peur, je ne t’ai pas entendue arriver. » Edaline ne le nierait pas, après tout ça avait dû se voir qu’elle avait eu peur sur le coup, ce n’était pas une honte. « Je suis toujours partante pour un défi, prépare-toi, à sortir ton argent. » Cette fois elle était à fond, par chance Fly était juste à côté, donc elle attendit que le Ptéranodon de son amie soit là pour chevaucher le sien. C’était partie, Edaline se retrouva à la même hauteur que son amie. « Fly est très doué aussi, ne le sous-estime pas. » En fait elle s’en fichait de gagner, passer du temps avec son amie et voler dans les airs, c’était déjà parfait. « J’adore cette sensation, je ne me lasserai jamais. » Et c’était bien vrai.